De nombreuses entreprises françaises, fragilisées par un contexte économique tendu, s’interrogent sur un phénomène bancaire qui aggrave leur trésorerie. Alors qu’elles attendent le règlement de leurs clients, les virements ne sont souvent crédités qu’en début de semaine suivante, même lorsqu’ils ont été envoyés le vendredi. Dans le même temps, les prélèvements sociaux ou fiscaux continuent d’être exécutés sans délai, y compris le samedi ou le dimanche. Une mécanique jugée inéquitable par les chefs d’entreprise.
Chaque vendredi, des millions d’euros quittent les comptes bancaires des entreprises et des particuliers sans jamais apparaître immédiatement chez leurs destinataires. L’argent est bien débité, mais il n’est crédité que le lundi. Ce phénomène, discret mais systémique, s’explique par le fonctionnement des systèmes de compensation interbancaire européens comme TARGET2, qui ferment le week-end. En clair, un virement initié un vendredi après-midi est mis en attente pendant tout le week-end. L’opération est validée uniquement à la réouverture du système, le lundi matin.
Durant cet intervalle, les fonds ne sont plus disponibles pour l’émetteur et pas encore accessibles au bénéficiaire. L’argent est en transit, logé dans des comptes techniques des banques ou des chambres de compensation. Ce décalage peut avoir des effets concrets : frais d’agios si un compte reste débiteur, rejets de prélèvements, ou simplement dégradation de la trésorerie. Et pendant que l’argent flotte, les prélèvements automatiques – cotisations sociales, impôts ou crédits – eux, peuvent être prélevés un samedi ou un dimanche sans difficulté. Une asymétrie frappante qui soulève la question de l’équité dans le traitement bancaire.
Les banques, de leur côté, défendent ce système. Elles rappellent qu’elles ne sont que les exécutantes d’un cadre européen rigide, qui repose sur le principe des jours ouvrés. Elles soulignent aussi que la fermeture des systèmes de règlement comme TARGET2 pendant le week-end est liée à des impératifs de sécurité, de surveillance et de conformité. Selon elles, une extension à 7 jours sur 7 demanderait une coordination technologique et réglementaire à l’échelle de l’Union européenne. Par ailleurs, elles mettent en avant l’existence de solutions alternatives comme les virements SEPA instantanés, déjà disponibles dans de nombreux établissements bancaires. Ces virements fonctionnent 24h/24, 7j/7, mais sont encore peu utilisés dans le monde professionnel en raison de plafonds, de coûts ou d’une intégration technique incomplète dans les logiciels de gestion comptable.
En attendant une évolution du système à l’échelle européenne, les entreprises françaises, notamment les TPE et PME, continueront de faire face à une réalité paradoxale : dans une économie en temps réel, les flux financiers, eux, restent calés sur une logique bancaire du siècle dernier. Pendant ce temps, l’argent débité flotte entre deux dates… et n’est à personne.
Le float bancaire désigne la période pendant laquelle une somme d’argent a été débitée du compte de l’émetteur d’un virement mais n’est pas encore créditée sur le compte du bénéficiaire. Ce décalage, souvent de 24 à 72 heures les week-ends ou jours fériés, résulte de la fermeture des systèmes de compensation interbancaires comme TARGET2. Pendant ce temps, l’argent transite dans des comptes techniques, parfois valorisés par les banques. En clair : l’argent n’est à personne, mais ne dort pas pour tout le monde.
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