Le mois de juillet confirme les difficultés persistantes du marché automobile français. Selon les derniers chiffres publiés par AAA Data, les immatriculations de voitures particulières neuves (VPN) ont chuté de 8 % par rapport à l’an dernier, poursuivant une tendance baissière amorcée au printemps 2024.
Cette baisse frappe aussi bien les particuliers que les flottes d’entreprise, tandis que seuls les canaux dits “tactiques” (loueurs courte durée et transits temporaires) tirent leur épingle du jeu, avec des hausses respectives de +57 % et +65 %.
Dans ce contexte, les voitures électriques font figure d’exception. « Le marché automobile ne se redresse pas et est sans doute attentiste en raison des évolutions des mesures gouvernementales de soutien aux électriques » selon la déclaration de Marie-Laure Nivot, Head of automotive market analysis chez AAA Data. « La nouvelle formule du bonus écologique, un peu plus avantageuse, n’a pas encore d’effet significatif compte tenu des délais entre commandes et livraisons. » En effet, les immatriculations de véhicules électriques progressent de 15 %, principalement grâce aux flottes, qui enregistrent une croissance spectaculaire de +70 % sur ce segment.
Mais cette embellie reste trompeuse : les particuliers, eux, continuent à bouder l’électrique, avec une baisse de 15 % sur leurs immatriculations. Le leasing social à 100 euros mensuels, attendu à la rentrée, suffira-t-il à inverser la tendance ? Rien n’est moins sûr. « Il faut rester prudent sur les effets d’annonce », tempère un analyste indépendant du secteur, qui souligne que les Français restent très sensibles au prix, à la disponibilité des modèles, mais aussi à la couverture des bornes de recharge, notamment hors des grandes villes.
Du côté de l’occasion, la dynamique s’essouffle également avec un repli de 3 % en juillet. La raison principale ? La raréfaction des véhicules récents de moins de cinq ans, conséquence directe du recul du marché du neuf ces dernières années. « Les modèles de plus de 10 ans, en revanche, progressent de 6 %, tout comme les ventes entre particuliers, en hausse de 13 % » selon le communiqué. À noter aussi la percée des hybrides d’occasion (+34 %) et microhybrides (+23 %).
Ces chiffres confirment un autre basculement structurel dans l’offre des constructeurs. Dans sa dernière étude, AAA Data montre que les gammes tendent à s’élargir en surface (notamment via les SUV), mais s’appauvrissent en profondeur. « Chez Renault, par exemple, le segment D-SUV est passé de six versions proposées pour un seul modèle (le Koleos) à seulement quatre versions réparties sur trois modèles (Koleos, Rafale, Espace) entre 2020 et 2024. »
Une stratégie qui traduit un changement d’approche : les constructeurs misent désormais davantage sur l’apparence, l’espace et le confort que sur la diversité technique ou les performances de conduite, comme cela se faisait auparavant.
En filigrane, c’est la question de la lisibilité des politiques publiques qui revient. Le “bonus écologique”, rebaptisé « coup de pouce véhicules particuliers électriques » depuis le 1er juillet, est désormais financé par les certificats d’économie d’énergie (CEE) et non plus par l’État. Les montants sont plus généreux – jusqu’à 4 200 euros pour les foyers modestes – mais les critères restent stricts (moins de 47 000 € et 2,4 tonnes, score environnemental minimal).
Pour un observateur du secteur, “on multiplie les dispositifs incitatifs sans véritable stratégie industrielle claire”. Il note que la France se retire progressivement de la filière hydrogène, avec seulement 30 voitures immatriculées en juillet, alors même que des pays comme l’Allemagne ou la Corée du Sud continuent à y investir massivement.
Si certaines marques tirent leur épingle du jeu – MG (+98 %), Mini (+70 %), Skoda et Ford (+25 %) – la réalité reste morose. Le marché a perdu près de 8 % de ses immatriculations depuis le début de l’année, un signal alarmant pour l’ensemble de la filière. Surtout, la dépendance aux aides publiques et aux flottes continue de fausser la lecture des performances.
Alors que la rentrée s’annonce décisive avec l’entrée en vigueur du leasing électrique, les professionnels du secteur restent partagés. Le marché a besoin de stabilité réglementaire, d’une meilleure anticipation industrielle, et d’une vision claire sur les objectifs de transition énergétique. Sans cela, l’automobile française risque de rester coincée entre incertitudes et demi-mesures.
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