L’Union européenne franchit un cap décisif dans sa stratégie spatiale. Pour la première fois de son histoire, la Commission européenne a dévoilé une proposition de législation spatiale ambitieuse : le Space Act. Une étape structurante qui vise à doter l’Europe d’un cadre commun pour réguler l’accès à l’espace, stimuler l’innovation industrielle et protéger les intérêts stratégiques du continent.
La présentation de ce texte intervient dans un contexte géopolitique mouvant. Depuis les élections présidentielles américaines de janvier 2025, le message est clair : l’Europe ne peut plus se reposer sur des puissances extérieures pour garantir son autonomie spatiale. Le lancement réussi d’Ariane 6 au début de l’année a symbolisé un regain de maîtrise, mais les défis restent immenses.
Communication, climat, cybersécurité, recherche : les applications civiles et militaires du spatial sont devenues vitales. D’où l’urgence, selon les institutions européennes, d’une politique plus offensive en matière de régulation et de financement.
Actuellement, treize États membres disposent de leur propre législation spatiale. Résultat : un marché intérieur morcelé, peu propice à l’émergence de champions européens face aux géants américains comme SpaceX. Le Space Act vise à harmoniser ces cadres juridiques, à simplifier les démarches administratives et à offrir un environnement lisible et attractif pour les investisseurs.
« Ce texte doit bénéficier autant aux grands industriels comme ArianeGroup qu’aux start-ups du New Space », plaide François Kalfon, vice-président de l’intergroupe parlementaire Ciel et Espace. « Il faut une politique d’innovation soutenue mais aussi cohérente, capable de faire émerger une véritable filière industrielle européenne. »
Autre volet central du texte : la protection du marché européen. Si l’ouverture à la concurrence est maintenue, elle sera désormais conditionnée à une stricte conformité aux standards européens. Les opérateurs non européens devront notamment désigner un représentant légal au sein de l’UE, se soumettre à un mécanisme d’équivalence ou à une évaluation technique poussée.
Une ligne rouge pour François Kalfon : « Aucun programme spatial financé par l’Union ne doit s’appuyer sur des opérateurs comme Starlink. Nous avons nos propres fleurons : Eutelsat, Arianespace, Vega… C’est une question de cohérence industrielle et de souveraineté. »
Mais cette ambition législative ne pourra porter ses fruits sans un engagement financier clair. Le 16 juillet prochain, la Commission dévoilera le nouveau cadre financier pluriannuel (MFF), dont dépendra en partie la mise en œuvre effective du Space Act.
« Sans budget à la hauteur, le Space Act risque de rester une vitrine politique sans impact réel », alerte François Kalfon. L’élu se dit déterminé à porter cette bataille au Parlement européen dans les mois à venir.
Avec ce Space Act, Bruxelles affirme sa volonté de prendre toute sa place dans la compétition mondiale autour du spatial. Une stratégie à la croisée des enjeux économiques, industriels, technologiques et de sécurité, qui devra désormais s’ancrer dans des décisions concrètes. Car l’espace, demain plus encore qu’aujourd’hui, est un territoire de souveraineté.
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