Alors que l’été approche et que le gouvernement tente d’achever la session parlementaire sans incident majeur, une réalité s’impose avec de plus en plus de netteté : malgré les efforts de François Bayrou pour afficher une méthode et un cap budgétaire, c’est le Rassemblement national qui détient toujours la clef du sort de l’exécutif. Un simple vote de ses députés en faveur d’une motion de censure suffirait à faire tomber le gouvernement ? C’est plus que certain.
Le Premier ministre doit prendre des décisions impopulaires s’il veut parvenir à assainir les finances publiques. « Je ne peux pas accepter sans réagir qu’on se satisfasse d’échouer si près du but », a-t-il déclaré à propos des conclusions du conclave sur les retraites. Bayrou vise depuis plusieurs mois 40 milliards d’euros d’économies sur le prochain budget, pour tenter de contenir la dérive de la dépense publique.
Mais le diagnostic s’est assombri ces derniers jours. Le ministère de l’Économie a annoncé jeudi 26 juin qu’« un effort supplémentaire de 5 milliards d’euros sera nécessaire pour tenir l’objectif que s’est fixé le gouvernement de 5,4 % du PIB de déficit public cette année ». Cette annonce porte donc à 45 milliards d’euros l’ampleur des économies à réaliser, un objectif d’autant plus difficile à atteindre que le gouvernement peine à dégager de nouvelles marges. « Nous sommes ici pour honorer la promesse qui a été donnée lors de l’installation du gouvernement de François Bayrou », a affirmé le ministre de l’Économie Éric Lombard, en ouverture d’une réunion cruciale pour ajuster la trajectoire budgétaire, et de préciser qu’il faut « tenir au courant les Français de l’exécution de notre budget 2025 et de la préparation de la loi de finances pour 2026 ». Compliqué, car entre dérapage budgétaire de 5 milliards et une économie pour l’heure quasi introuvable sur 2026, l’exécutif jongle et Bayrou joue la montre.
Concrètement, le gouvernement a d’ores et déjà prévu de geler 3 milliards d’euros de crédits budgétaires qui « ne seront pas engagés cette année », selon un communiqué. Par ailleurs, 1,7 milliard d’euros d’économies seront réalisées dans le champ de la santé, notamment via des mesures de déremboursement de soins ou de médicaments, comme l’a précisé la ministre du Travail et de la Santé Catherine Vautrin.
Ces décisions, si elles traduisent une volonté de rigueur, n’en demeurent pas moins risquées sur le plan politique. Toute annonce impopulaire pourrait relancer la menace d’une motion de censure à l’Assemblée nationale. Et dans l’état actuel des forces, seule une participation du Rassemblement national à un tel vote serait susceptible de faire tomber le gouvernement.
La dernière motion de censure portée par les socialistes, comme celles de La France insoumise ou des écologistes, a échoué faute de soutien du RN. Mais chacun à Matignon sait que cela pourrait basculer. Le RN détient seul la capacité de faire basculer l’Assemblée, ce qui n’est pas le cas pour les autres partis à l’Assemblée.
Dans ce contexte, François Bayrou adopte une stratégie d’attente, repoussant à la rentrée les annonces les plus sensibles. Il est compréhensible qu’il serait très imprudent de gâcher les vacances des Français — et des élus — avec des économies impopulaires. L’annonce de ce plan d’économies, forcément de rigueur et impopulaire, est reportée à septembre, dans l’espoir de désamorcer les tensions et de gagner du temps.
Mais ce temps, justement, pourrait venir à manquer. Car en face, Marine Le Pen observe, attend, et garde l’arme constitutionnelle de la censure à portée de main. À la rentrée, la “Pluton budgétaire” chère à François Bayrou devra être posée sur la table. Reste à savoir si le gouvernement tiendra encore debout.
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