Politique monétaire américaine : un nouveau cycle de hausse de taux peu probable

Alexandre Drabowicz, Chief Investment Officer chez Indosuez Wealth Management.

Toutes les banques centrales ne sont pas destinées à marcher sur les pas de la Banque du Canada qui a repris ses hausses de taux après une pause initiée en février. Ainsi, nous n'adhérons pas à un scénario dans lequel la Réserve fédérale reprendrait un cycle de hausses de taux multiples.

Depuis plusieurs mois, les marchés pensaient se diriger lentement mais sûrement vers la fin d'un des resserrements monétaires les plus intenses et les plus rapides de ces dernières décennies. À l'heure où l'essentiel du resserrement est achevé, la récession tant attendue aux États-Unis ne s'est toujours pas matérialisée et les analystes continuent de repousser leurs prévisions de récession. Certes, les taux d'intérêt réels américains oscillent autour de 1,5 % (un niveau qui peut être considéré comme restrictif pour l'économie), la création monétaire se contracte depuis plusieurs mois et les conditions de prêt se durcissent (d’autant plus depuis l'apparition de tensions bancaires en mars). Cependant, l'économie américaine est résistante, l'inflation, bien qu'en décélération, reste à des niveaux élevés et le marché du travail est plus solide que jamais.

La « dépendance aux données » : le paradigme post-Covid 

La particularité de ce cycle d'inflation réside dans les déséquilibres de l’offre et de la demande qui ont résulté de la pandémie et qui ont conduit à des niveaux d'inflation records, jamais observés (et de loin) depuis le début des années 80. Cette dynamique spécifique complique la tâche des banquiers centraux dans leurs estimations de l'environnement de croissance et d'inflation, ce qui explique en partie l'approche "dépendance des données" que les banques centrales adoptent depuis plusieurs mois. Cela justifie également leur volonté d'opter pour des "pauses" dans le cycle de resserrement afin de mesurer l'impact réel de leur politique monétaire sur l'économie.

Or, la décision des banques centrales australienne et canadienne de relever leurs taux après une pause a remis sur le devant de la scène le risque d'une Fed plus restrictive qu'anticipé par les marchés, qui voyaient toujours un taux terminal à 3,8 % (mi-mars) fin 2023 (les projections de la Fed sont désormais à 5,6 %).

En revanche, nous sommes moins inquiets pour l'Europe, où le phénomène de désinflation semble bel et bien enclenché. Nous prévoyons une croissance plus faible en Europe dans les mois à venir alors que l'inflation salariale semble moins pressante sur le Vieux Continent, et que les conditions de crédit continuent de se détériorer, bien que la Banque centrale européenne ait commencé son resserrement après la Fed et la Banque d'Angleterre. Ce retard justifie, selon nous, deux hausses de taux supplémentaires, ce qui porterait le taux terminal à 4 %.

Préférence au mantra "Élevé plus longtemps”

Aux Etats-Unis, la rigidité de l'inflation sous-jacente et la résilience du marché du travail américain ont déjà incité le marché à réviser à la hausse ses anticipations de taux de plus de 150 pb (depuis la mi-mars). La Fed n'a pas relevé ses taux en juin, mais elle est clairement revenue à une approche "Wait & See", avec un biais résolument « hawkish » (priorité à la lutte contre l’inflation) au vu de ses projections, qui impliquent 50 pb de hausses de taux supplémentaires d'ici fin 2023, une révision à la hausse de la croissance américaine (de 0,4 % à 1 % au T4 2023 sur un an) et un taux d'inflation sous-jacente de 3,9 % en décembre 2023.

En ce qui concerne notre scénario, bien que nous prenions en compte ce risque de taux à des niveaux "plus élevés plus longtemps", nous n'achetons pas un scénario dans lequel la Fed reprendrait un cycle de plusieurs hausses de taux et donnons notre préférence au mantra "élevé plus longtemps". Tout d'abord, les estimations de croissance de la Fed au T4 2023 de 1 % et d'inflation sous-jacente de 3,9 % nous semblent optimistes. L'effet retardé de la politique monétaire sur l'économie devrait continuer à se matérialiser au deuxième semestre. Dans le même temps, le ralentissement de la consommation, combiné à la normalisation de l'inflation sur les logements et les denrées alimentaires, devrait soutenir le processus de désinflation.

Dans cette optique, nous voyons la Fed relever ses taux de 25 pb en juillet, ce qui nous aligne sur le scénario du marché. Par la suite nous voyons un plateau dans les mois à venir. Nous pensons que la Fed souhaite maintenir les taux réels autour de 1,5 %, plaçant les États-Unis parmi les plus restrictifs en termes d'orientation monétaire des économies développées (0 % dans la zone euro et 0,6 % au Royaume-Uni, par exemple). Ainsi, nous considérons le "skip" (et non la "pause") et les projections haussières de la Fed comme une manière intelligente pour la Fed de prendre du recul et d'analyser les effets de sa politique monétaire sans que le marché n'interprète cette action comme une pause qui conduirait immédiatement à des baisses de taux. En d'autres termes, la Fed veut s'assurer que le marché comprenne que les taux resteront "élevés plus longtemps", ce qui pourrait lui permettre d'orchestrer le mouvement de désinflation sans faire entrer l'économie américaine en récession.


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