En amont du sommet mondial sur l’intelligence artificielle, le président de la République a dévoilé de nouvelles initiatives pour renforcer la place de la France dans ce domaine. Mais derrière ces annonces, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer un discours déconnecté des réalités industrielles et scientifiques du pays.
“En prélude au sommet mondial sur l’intelligence artificielle, le président de la République, ressuscitant pour l’occasion le mythe de la start-up nation, a annoncé des initiatives dont on aurait aimé discuter ici, au Parlement, plutôt que les apprendre à la télévision.” Cette déclaration du député Emmanuel Maurel résume un malaise profond ressenti par certains élus : une mise en avant des ambitions numériques du pays sans véritable concertation nationale.
Si l’enthousiasme présidentiel en faveur de l’IA est manifeste, “l’enthousiasme technophile ne fait pas une politique. Surtout s’il occulte les risques et les dangers que l’intelligence artificielle fait peser sur nos sociétés.” En filigrane, c’est la question de la souveraineté numérique qui est posée, notamment face à des investissements étrangers croissants dans le secteur.
Une réussite attribuée à tort ?
Le président de la République s’est également félicité des avancées françaises en matière d’intelligence artificielle. Mais pour Emmanuel Maurel, “ce qui frappe le plus dans le discours présidentiel, c’est sa propension, sans doute aussi illimitée que l’intelligence artificielle elle-même, à s’attribuer tous les mérites de la réussite française dans ce domaine.”
Or, rappelle-t-il, le succès de l’IA repose avant tout sur des ressources essentielles : “Rappelons que le développement de l’IA repose d’abord sur une électricité abondante et bon marché, ainsi que sur la qualité de nos chercheurs, techniciens et ingénieurs. Or ni l’une ni l’autre n’ont été servies par la politique du président.”
Ce sont les institutions de recherche publiques – le CNRS, l’INRIA, les grandes écoles et les universités – qui constituent le socle de ces avancées. Et pourtant, celles-ci subissent une pression budgétaire croissante.
Des coupes budgétaires qui fragilisent la recherche
“Le budget 2025 ampute l’enseignement supérieur et la recherche d’un milliard d’euros et les projets du plan « France 2030 » de 2,5 milliards d’euros. Les programmes destinés à la recherche scientifique et technologique ne sont plus revalorisés au rythme de l’inflation.” Une décision qui semble paradoxale au regard des ambitions affichées par le chef de l’État.
Ces restrictions financières s’ajoutent à une situation industrielle préoccupante : “Les annonces tonitruantes du Président sont l’arbre qui cache la forêt : celle d’une industrie française qui va mal. Nous sommes avant-derniers d’Europe pour la part de l’industrie rapportée au PIB, au même niveau que la Grèce, juste devant Chypre.”
Les difficultés touchent plusieurs secteurs stratégiques, avec une multiplication des défaillances d’entreprises et des plans sociaux. “Les défaillances d’entreprises se multiplient et les plans sociaux frappent l’automobile, la métallurgie, la chimie, comme en témoigne encore récemment le cas de l’entreprise Lubrizol en Seine-Maritime.”
Dans ce contexte, la question reste entière : “Comment le gouvernement peut-il espérer rétablir la situation de l’industrie française en sacrifiant la recherche publique et les investissements d’avenir ?” Une interrogation qui dépasse le simple cadre de l’intelligence artificielle et qui pose plus largement la question de la stratégie industrielle et scientifique du pays.
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